5 Décembre – Je suis zému (la suite !!)
Le 1er décembre, date de mon dernier billet, c’était la fête des pères à l’école. Aujourd’hui, 5 décembre, c’est le jour de la vraie fête des pères, Wan Pôô Heng Chat (le jour du père de la nation) en thaï, anniversaire de Sa Majesté le Roi Bhumibol Adulyadej.
Cette fête majeure du calendrier thaïlandais, société résolument paternaliste, n’est pourtant pas aussi ancienne qu’il n’y paraît puisqu’elle n’a été instaurée qu’au début des années 80, soit il y a 30 ans à peine, dans le cadre d’une campagne de revalorisation de la monarchie menée à l’initiative du premier ministre de l’époque, Prem Tinsulanonda. Depuis, chaque année, les organisateurs successifs redoublent d’imagination et de créativité pour faire de cette journée une véritable éloge du monarque actuel et, plus largement, de l’institution royale thaïlandaise en général.
La Thaïlande est en effet une monarchie, constitutionnelle certes, mais surtout monarchique et tout voyageur de passage pourra très facilement constater à quel point les Thaïlandais aiment et respectent leur Roi. Il s’agit là d’une admiration qui peut parfois sembler démesurée, voire béatement naïve, mais qui n’en demeure pas moins des plus sincères et même sans les campagnes de propagande soigneusement orchestrées par les royalistes, je peux sans hésitation affirmer que le respect et l’amour du peuple Thaïlandais pour son souverain sont authentiques et je ne sais pas s’il existe au monde un autre chef d’état qui jouit d’une aussi grande popularité.
Le paradoxe ici est que la Thaïlande possède aussi l’une des lois les plus répressives au monde pour ce qui est des “crimes de lèse-majesté”. Je ne m’étendrai bien évidemment pas ici, pour des raisons évidentes, sur le bien-fondé de cette loi ni sur son utilisation catastrophiquement abusive au cours des récentes années avec pour résultat de faire plus de tort que de bien à l’institution qu’elle est supposée préserver des bassesses politiciennes. Un exemple récent est celui de ce sexagénaire condamné à 20 ans de prison pour 4 SMS jugés insultants (personne ne les a vu !) alors que des meurtriers ayant avoué leur crime peuvent sortir librement (et en souriant !!) de prison tout simplement en payant une caution.
Donc, en ce jour de la fête des pères, j’aurai tout abord une pensée émue pour tous ces “papas” qui sont en prison en Thaïlande – et aussi ailleurs dans le monde – tout simplement parce qu’ils ont osé exprimer leur opinion et que cette opinion a déplu à ceux qui tiennent le fusil. Quand à mon opinion personnelle à ce sujet, j’ai pour habitude de citer une phrase de l’un de mes maîtres à penser, le Docteur Isaac Asimov, qui dans l’un de ces ouvrages écrivait que si la démocratie consiste à enfermer 500 technocrates dans un hémicycle pour qu’ils débattent pendant des semaines avant d’arriver à une décision qu’un monarque clairvoyant aurait pu prendre en 10 minutes, alors rien ne vaut un BON roi ! (les majuscules sont volontaires)
Un autre pensée émue sera pour notre ami Luchaye, professeur à l’école de Ban Huoi Haeng, qui a perdu son papa récemment dans des circonstances dramatiques. Je ne voulais tout d’abord pas en parler, mais après accord des principaux intéressés il s’agit ici aussi d’une forme d’hommage rendu aux papas qui ont été arrachés à leurs familles par des accidents de la vie ou, comme ici, par des faits de guerre.
Luchai fait partie de l’ethnie des Lahu, des chasseurs-cueilleurs qui vivent depuis des siècles dans les montagnes du Nord de la Thaïlande. Cette tradition de chasse et de cueillette est toujours très vivante et tous les montagnards, même les plus jeunes, connaissent la forêt comme leur poche. Le père de Luchaye et deux autres hommes du village étaient ainsi récemment sur les traces d’un gibier et ont eu la terrible malchance de croiser la route d’un groupe de gardes-frontière, des jeunes recrues manquant d’expérience et non originaires de la région qui ont paniqué en voyant ces trois montagnards ne parlant même pas leur langue et ont ouvert le feu sans sommation. Bilan : 2 morts, un blessé grave (les 3 montagnards chasseurs).
Version officielle parue dans la presse : les gardes-frontière ont tué des trafiquants de drogue.
L’armée a quand même reconnu une part de responsabilité et a donné 5000 Bahts (120 Euros) de dédommagement à la famille de chaque victime. Le prix du silence.
Ma troisième pensée émue (désolé si je casse l’ambiance !!) sera pour les papas de l’état Shan dont les enfants ignorent ce qu’ils sont devenus. Les scénarios se répètent, toujours avec la même cruauté invraisemblable que l’on croit sortie d’un mauvais film : l’armée birmane, le SPDC, arrive un matin au village en accusant les habitants d’aider les rebelles. Ils emmènent les hommes valides, violent les femmes qui n’ont pas réussi à fuir et se servent des enfants comme d’esclaves pour leur quotidien. Sur les 850 élèves de l’école de Loi Tai Laeng auxquels j’ai encore rendu visite récemment, 250 sont orphelins et ne savent pas où est leur papa.
Mais une lueur d’espoir vient cependant de s’allumer et semble bien vouloir persister. Des accords ont récemment été conclus entre les dirigeants Shans et le gouvernement “civil” birman et, comme me le disait l’un de mes contacts, c’est maintenant que la VRAIE partie de football commence, avec des spectateurs !!
Toujours dans l’optimisme, le budget nécessaire aux 10 jours intenses passés récemment en montagne était exclusivement d’origine personnel – j’étais en vacance – et un solde précédent, auquel sont venus se rajouter quelques dons récents reçus notamment par l’intermédiaire ce ce blog, nous a permis d’acheter 300 couvertures ainsi que 100 vestes coupe-vent avec doublure que nous allons faire parvenir très prochainement à ceux qui en auront besoin en prévision d’un hiver qui s’annonce de nouveau particulièrement froid.
Alors si vous aussi vous souhaitez participer et, dans une certaine mesure, rendre hommage aux papas présents ou absents, peut-être en offrant une couverture (ou même plusieurs !!) à leur progéniture, faites un don (cliquez ci-contre ou sur le bouton “Faire un don” dans la colonne de droite). Les projets ne manquent pas : encore des couvertures, mais aussi une cuisine et une cantine dignes de ce nom pour l’école de Ban Huoi Haeng.
Mais ça, ce sera pour un prochain billet…
23 Octobre – 10 jours intenses
Je vous parlais de “silence radio” et de “l’autre côté du miroir” dans mon dernier billet, nous voilà de retour !!
Mais avant d’aller plus loin, j’ose espérer qu’entre la naissance de Sarkozy junior et la mort de Kadhafi les médias français ont réussi à trouver un peu de place pour parler des inondations catastrophiques qui touchent la Thaïlande depuis plusieurs semaines et qui sont maintenant sur le point d’envahir Bangkok.
Voici un site d’information fiable et régulièrement mis à jour (en anglais) : http://www.thaitravelblogs.com/
En français, il y le très intéressant blog de Michèle qui livre une vision un peu plus analytique des évènements et de certains débordements politiques : http://michjuly.typepad.com/blog/
Pour les d’informations en français, il y a le site du Gavroche qui semble être mis à jour régulièrement http://www.gavroche-thailande.com/ ou encore le site Thailande-Info http://www.thailande-infos.net/ qui a mis en place une Veille informative.
Pour notre part, l’école des filles ayant décalé la rentrée d’au moins une semaine et moi-même ayant (une prémonition ?) emmené avec moi tout ce qu’il faut pour travailler à peu près normalement, nous avons décidé de rester une semaine de plus à Chiang Mai. Non pas que notre maison de Bangkok soit touchée – elle se trouve dans l’un des quartiers épargnés pour l’instant – mais la circulation dans la capitale est encore plus chaotique qu’à l’accoutumée (ce qui n’est pas peu dire !!) et les rayons des supermarchés ont été vidés de tout ce qui se mange et peut se stocker. Inutile donc d’aller “camper” dans un quartier où l’électricité risque d’être coupée, nous retournerons vers le centre du pays en fin de semaine, avec pour option de nous installer quelques jours dans notre maison de Nakhon Pathom si l’école n’est toujours pas ouverte la semaine prochaine.
Réflexion personnelle : quelque part je me dis que nous avons quand même une chance insolente, j’irais presque jusqu’à dire indécente. Des milliers de personnes autour de nous ont tout – mais alors TOUT – perdu (il y a très peu d’assurance habitation en Thaïlande). Nous venons une nouvelle fois de passer 10 jours avec des gens dont certains ont vu leurs parents assassinés sous leurs yeux et qui survivent plus qu’ils ne vivent dans un pays sous occupation birmane. Nous avons visité des écoles où les enfants viennent en pension pour 5 mois avec une seule paire de chaussures et dont les directeurs doivent se débrouiller pour leur trouver un repas chaque matin et chaque soir.
Une chance qui nous motive d’autant plus à poursuivre nos actions, car je me dis que si des gens comme nous, qui n’ont après tout rien de bien exceptionnel, ont accès à tout ce que la société moderne et la technologie peuvent offrir, c’est pour pouvoir le partager et essayer d’en faire bénéficier le plus grand nombre. Ce que je souhaite dans l’immédiat, c’est de réussir à disposer d’assez de temps pour pouvoir poursuivre notre collecte de fonds, car les besoins sont vraiment immenses.
Bon, assez de bavardages, voici quelques photos des 10 derniers jours passés “de l’autre côté du miroir”.
Après une mousson exceptionnellement longue et abondante, il vaut mieux être bien équipé pour parcourir les 10 km de piste qui mènent à notre destination.
Lever de soleil magnifique sur les montagnes du Pays Shan à 1400 mètres d’altitude.
La prochaine fois, promis, je lui apporte un cure-dents.
Mon ami le Docteur Pilou en plein examen. La présence d’un “vrai” médecin, surtout occidental, passe rarement inaperçue et plusieurs patients en profitent pour se soumettre à un examen plus approfondi. Il va sans dire que le concept de tirer au flanc est inexistant ici et que personne n’essaie de se faire mettre en arrêt maladie pour aller à la pêche !!
Les équipes paramédicales parcourent le pays Shan pour apporter des médicaments et prodiguer les premiers soins aux populations démunies de tout. Ils suivent un programme de formation de 6 mois, puis repartent dans la jungle et reviennent l’année suivante pour 6 nouveaux mois de formation. J’ai volontairement masqué leurs visages, il faut qu’ils restent incognito car seules les autorités birmanes sont <officiellement> autorisées à fournir des médicaments aux populations.
Ici, le Docteur Pilou en pleine démonstration de l’examen initial d’un patient.
Déjeuner quotidien avec un autre médecin – américain – arrivé 2 jours après nous. Retraité, il a choisi de consacrer son temps aux populations réfugiées. Il est à Loi Tai Laeng pour 2 mois, à droite son épouse qui l’accompagne et la jeune femme à sa gauche est une prof d’anglais qui a volontairement choisi d’enseigner 6 mois en pays Shan !!
Les étudiants sont avides de connaissances et chaque livre est pour eux un véritable trésor. Petit bémol : prolifération de livres sur “Jésus” distribués à tous vents par des missionnaires de passage. J’ai joué au candide et ai demandé s’ils avaient aussi des livres sur Mahomet, Shiva, Bouddha, etc.
Plus loin à l’intérieur du pays Shan, une succession de petites vallées extraordinairement fertiles où poussent fruits et légumes en abondance, à condition d’avoir suffisamment d’eau…
Je n’ai pas réussi à savoir comment se dit “Schnaps” en Shan !!
De jeunes moines près de l’école. La fraîcheur des lieux explique les robes doublées.
Une population extraordinairement accueillante et toujours souriante, malgré tout ce qu’elle a pu subir.
C’est peut-être banal, mais ne dit-on pas qu’après la pluie vient le beau temps ?
11 Octobre – Mardi, jour du marché
Comme tous les mardis, marché montagnard à Pang Mapha, un véritable bonheur pour les photographes.
Voyons, 2 kg de patates douces à 25 Bahts et 3 kg de tomates à 30 Bahts, ça fait…
Vacances scolaires : beaucoup d’enfants accompagnent leurs parents.
Vous avez vu mes belles dents ?
Et bien sûr l’incontournable visite à l’école de Ban Huoi Haeng dont les élèves sont eux aussi supposés être en vacance, mais dont ceux qui habitent au village n’ont pas voulu manquer l’occasion de venir nous saluer en nous présentant leur nouvelle coopérative scolaire qui devrait être opérationnelle pour le deuxième semestre, à partir du mois de novembre.
Nous avions appris il y a quelques mois qu’une immense statue de Bouddha avait été construite dans un village à quelques kilomètres de Ban Huoi Haeng. Les pistes étant praticables et disposant d’un peu de temps, nous avons décidé d’aller découvrir cette curiosité locale qui fait un peu figure d’anachronisme au milieu des montagnes sauvages et des villages aux maisons en chaume et en bambou.
Nous avons rencontré le moine (il n’y en a qu’un seul !!) qui vit à côté. Il s’agit d’un moine ermite qui avait choisi de vivre dans la forêt et qui a eu un jour une révélation lui demandant de faire construire une grande statue de Bouddha à l’endroit où il était en train de méditer. Comme beaucoup de moines, il a eu une vie “civile” avant de rejoindre les ordres et il a alors téléphoné à son ancien patron, un riche industriel, pour lui parler de sa révélation et lui demander s’il accepterait de participer à son financement. Bien lui en a pris, puisqu’il a accepté de participer à hauteur de 90 % de l’ensemble, le reste ayant été assuré par la classique voie des dons.
Demain, changement de décor, nous passons de l’autre côté du miroir… Silence radio pendant une bonne semaine .
10 Octobre – C’est parti !!
Ça y est, après une semaine pas vraiment de tout repos, nous avons accueilli notre ami le Docteur Pilou à l’aéroport de Chiang Mai samedi soir (heureusement qu’il est venu en avion, car toutes les routes sont inondées !!) et prenons ce matin la route de Tam Lod, dans la province de Mae Hong Son, pour une nouvelle mission quelque part en montagne.
Les filles trépignent d’impatience depuis plusieurs jours à l’idée de retourner au Cavelodge, il est vrai que c’est l’endroit de Thaïlande où nous avons passé les plus longues et les meilleures périodes de vacance et que c’est devenu un peu notre deuxième “chez nous”.
Si vous voulez avoir un avant-goût du paradis, c’est là qu’il faut commencer. Il existe depuis peu un groupe Facebook qui a été créé par John, le fondateur du Cavelodge qui vit en Thaïlande depuis 30 ans, et où chacun peut poster ses photos et ses meilleurs souvenirs.
Aucun séjour dans cette guest-house mythique ne peut être envisagé sans une visite à l’école de Ban Huoi Haeng, d’autant plus qu’un nouveau projet vient d’y être réalisé avec l’aide de l’association Action Rotary Est et les jeunes de l’Interact. Nous devrions le découvrir dans les jours qui viennent, je le présenterai bien évidemment dans un prochain billet.
En attendant, nous allons savourer la route aux 1500 virages avec ses paysages fabuleux, ses marchés montagnards et ses rencontres inattendues…
18 Septembre – Bientôt le 24 !!
Un titre plutôt insolite, je vous l’accorde, voire même déroutant pour ceux qui attendent la suite de mes billets sur l’éducation en Thaïlande (Rappel : Partie 1 – Partie 2). Qu’ils se rassurent, le troisième sera bientôt publié.
Pour l’instant, parlons du 24 !!
Il s’agit bien évidemment du 24 septembre, date à laquelle se tiendra un évènement majeur dont tout le Kochersberg parle depuis des semaines et dont l’information commence maintenant à se répandre dans le Pays de Hanau, en Outre-Forêt et même dans les régions de l’extrême Sud de l’Alsace (vous savez, après Sélestat !!).
C’est en effet à cette date que mon ami le Docteur Pilou tiendra une nouvelle conférence – projection sur le thème de la Birmanie, les deux facettes du miroir.
Il vous présentera dans un premier temps une série de photos des endroits ouverts au tourisme et mis en scène par la junte pour soigner son image auprès du monde extérieur. Il vous fera ensuite passer “de l’autre côté du miroir” et vous fera partager quelques-unes de ses missions auprès de la résistance armée Shan (pour en savoir plus : http://www.freeshan.org).
Adresse du jour : Centre culturel, Rue de la Zorn, 67270 Schwindratzheim
Carte pour y accéder : http://g.co/maps/p28v
En attendant, et pour vous mettre dans l’ambiance, voici une série de 3 vidéos que j’ai découvertes récemment sur le Web et qui donnent une petite idée de ce que peut être l’Absurdistan. Prenez le temps de les regarder, c’est édifiant et autrement plus intéressant que Loana dans le pré !!
14 Juillet – Encore une goutte…
Une goutte d’eau, bien évidemment, et même plusieurs puisque je vous propose aujourd’hui de découvrir la suite de notre dernier projet dont j’avais commencé la présentation dans mon billet du 6 juillet.
Nous en étions donc restés sur des images des plus explicites de ce qui est le quotidien alimentaire des 800 élèves du plus important établissement scolaire d’un pays ayant une surface approximativement égale à un quart de la France (ça, c’est juste pour rappeler quelques fondamentaux !!). En complément, voici d’autres photos des dortoirs, très spacieux, et de la salle de bain “écologique” à ciel ouvert avec murs végétaux, un peu à l’image de celles qui sont proposées par certains hôtels de luxe ayant fait du retour à la nature un argument commercial à l’attention d’une clientèle en quête de tout ce qui est “green” (vert).
Imaginez ce qui se passe lorsque tout le monde fait la queue pour aller se brosser les dents !!
À titre d’information, le budget disponible pour l’alimentation quotidienne est de l’ordre de 20 000 Bahts (environ 480 Euros) par jour pour l’ensemble de l’école, soit environ 0,60 Euro par jour et par élève.
Il va sans dire qu’il n’y a généralement pas beaucoup de reste dans les assiettes !!
Voilà plusieurs années déjà que les responsables essaient de développer certaines cultures dans les vallées voisines, mais la population de ce qui est maintenant devenu une véritable ville ne cesse de croître, et avec elle les besoins en tous genres, notamment alimentaires. De plus, situation de protection stratégique oblige, l’école et la petite ville qui l’entoure sont installées sur des crêtes montagneuses dont le relief ne favorise pas vraiment l’irrigation, même s’il existe çà et là plusieurs sources.
Des pans de montagne entiers ont donc été déboisés et préparés en vue d’étendre les surfaces cultivées, chaque zone ayant été affectée à un secteurs spécifique : hôpital, école, population civile, etc. Le projet qui nous intéresse plus particulièrement et pour lequel nous sommes intervenus concerne l’irrigation des flancs de colline qui entourent une ébauche de potager, fruit de l’initiative du directeur de l’école à qui ont été attribués plusieurs hectares de jungle.
Celui-ci a, dans un premier temps, réalisé quelques essais de plantation pour finalement sélectionner une série de fruits et légumes ayant donné des résultats prometteurs et qu’il souhaite à présent cultiver à grande échelle avec le secret espoir de réussir à en produire suffisamment pour tous les élèves de l’école, et même plus.
Principal problème : l’irrigation.
Si plusieurs sources sont présentes sur les collines qui entourent cette petite vallée encaissée, leur débit est relativement irrégulier et l’eau qui s’en écoule obéit bien évidemment aux lois fondamentales de la physique, à savoir rechercher le chemin le plus court vers le bas. Et comme il se doit, ledit chemin le plus court vers le bas passe à des centaines de mètres de l’endroit où le terrain a pu être aménagé et donc à plusieurs centaines de mètres des futures plantations où l’eau sera nécessaire.
Il existe cependant un avantage : la position de ces sources. Elles sont toutes plus hautes que la vallée elle-même, mais aussi plus hautes que les collines qui l’entourent. Le projet consiste donc à créer un petit bassin de retenue depuis lequel sera posé un tuyau qui servira à remplir une série de réservoirs placés à des endroits appropriés au sommet des flancs de montagne qui ont été déboisés. L’irrigation contrôlée s’effectuera ensuite à partir de ces réservoirs tout simplement en utilisant la même énergie que celle qui a servi à les remplir : la gravité !!
Le projet a été élaboré avec l’aide des villageois de Ban Huoi Haeng (notre projet de l’année dernière) qui ont été très heureux de partager leur expérience. Le budget total a été de 140 000 Bahts (environ 3500 Euros), nettement inférieur à celui de Ban Huoi Haeng pour deux raisons : d’une part parce qu’il ne fallait que 1000 mètres de tuyaux (contre 4000 à Ban Huoi Haeng) et d’autre part parce qu’ici, la main d’œuvre est gratuite puisque composée essentiellement de militaires de l’armée Shan qui réaliseront les travaux pendant leurs périodes de permission.
Les travaux sont en cours, même pendant la mousson actuelle, et avec un peu de chance les premiers légumes devraient être arrivés à maturité pour mon prochain voyage en pays Shan programmé en octobre prochain.
D’ici là, d’autres volailles seront vraisemblablement venues compléter l’ébauche de basse-cour et LE cochon devrait partager son enclos avec quelques congénères.
6 Juillet – Un tour en montagne
Voici plusieurs mois que j’en parle, il a été évoqué çà et là au détour de mes billets, il est maintenant sur le point d’aboutir et j’irais même jusqu’à dire qu’il a abouti puisque les matériaux ont été livrés à leur destination il y presque 2 semaines.
Je veux bien entendu parler de notre nouveau projet EAU qu’il me semble à présent opportun de décrire plus en détail, notamment en exposant le contexte.
Mais je souhaite avant de continuer, au nom des 800 élèves (dont 300 orphelins) et de tous les autres bénéficiaires de cette nouvelle réalisation, adresser mes plus sincères remerciements à nos généreux donateurs pour la confiance qu’ils nous ont une nouvelle fois accordée, certains étant à nos côtés depuis le début de cette aventure en octobre 2006 (cliquez sur l’onglet “Nos Projet” en haut de cette page pour un récapitulatif de nos principaux accomplissements).
Alors, de quoi s’agit-il exactement ?
Ce nouveau projet, conçu sur le modèle désormais éprouvé de Ban Huoi Haeng que nous avions réalisé l’année dernière (cliquez ICI pour le descriptif au format PDF), a pour principal objectif d’assurer l’irrigation régulière d’un ensemble de cultures maraichères à flanc de montagne, cultures maraichères dont les produits viendront compléter et – assurément – améliorer le quotidien des 800 élèves de l’école de Loi Tai Laeng, capitale non officielle de l’état Shan. Les Shans sont l’une des minorités ethniques persécutées par la junte militaire birmane et ont ceci de particulier qu’ils sont très proches des Thaïlandais, aussi bien du point de vue culturel que linguistique. Le terme Shan est en fait une déformation birmane du nom “Siam”, ancien nom de la Thaïlande, et les Shans se nomment eux-mêmes “Tai Yai” (les Thaïs hauts). Si vous souhaitez en savoir plus sur cette ethnie trop peu connue mais dont la population compte tout de même plusieurs millions de personnes, je vous invite à consulter mon autre blog http://www.freeshan.org/.
Entrés en résistance depuis plus de 50 ans, les Shans ont bâti leur quartier général près de la frontière Thaïlandaise, dans la même région que les écoles de Ban Huoi Haeng et de Tam Lod avec qui nous sommes en contact régulier. Près de la moitié des enfants de l’école de Ban Huoi Haeng sont d’ailleurs des Shans réfugiés en Thaïlande et le village de Tam Lod est à dominante Shan. Ces populations ont vu leurs écoles et leurs villages brûlés par le SPDC (les militaires birmans) et essaient tant bien que mal de recréer ici, près de la frontière et avec le soutien non officiel mais bien réel de la Thaïlande, un semblant de vie normale en accordant une importance toute particulière à l’éducation et à la santé. L’école accueille ainsi plus de 800 élèves, de 5 à 18 ans, les meilleurs ayant ensuite la possibilité d’aller poursuivre leurs études en Thaïlande. Ces élèves sont en réalité des réfugiés dans leur propre pays (des “IDP” – Internally Displaced People selon la désignation officielle de l’ONU), tout comme les milliers de personnes civiles présentes sur ce site, et il faut bien évidemment les héberger et les nourrir !!
Les Shans sont extrêmement dépendants de la Thaïlande pour leur approvisionnement et les pistes de montagne qui mènent aux marchés les plus proches sont particulièrement difficiles, voire impraticables en certaines saisons. Par temps sec, il faut près de 2 heures pour parcourir les 30 km jusqu’à la petite ville thaïlandaise la plus proche dont le marché hebdomadaire est la principale source d’approvisionnement en nourriture des 10 000 personnes présentes sur le site de Loi Tai Laeng. Il va sans dire que la quête de solutions visant à l’auto-suffisance alimentaire est incessante, et le projet d’irrigation que nous avons contribué à mener à bien s’inscrit parfaitement dans cette politique globale des responsables Shans.
Voilà pour le contexte général.
Je vous parlerai plus précisément du projet lui-même dans un projet billet, en attendant je vous invite à découvrir ci-dessous ce qui peut être le quotidien de la cantine scolaire de Loi Tai Laeng (ça, c’est pour ceux qui se plaignent régulièrement de la rareté des feuilles de laitue dans la salade de limaces servie à leur propre cantine scolaire !!) :
28 Avril – Poi Hsang Long (jours 4 et 5)
Suite du billet du 27 avril.
JOUR 4
Le déroulement du quatrième jour est identique à celui du troisième. Là aussi, des visiteurs venus de tous les horizons viennent saluer les futurs moinillons qui récitent alors des prières en remerciement des offrandes reçues.
Avant chaque procession, (il y en a trois par jour), le Hsang Long est soigneusement maquillé puis revêt l’une de ses tenues de cérémonie, à chaque fois différente et généralement offerte par des membres de la famille ou des proches qui choisissent de participer financièrement à l’évènement.
Entre deux visiteurs, les enfants peuvent aussi aller rendre visite à leurs amis dans les autres cabines, bien évidemment en se faisant porter puisqu’ils sont encore, pour l’instant, supposés ne rien faire !!
JOUR 5
C’est aujourd’hui que le Hsang Long va revêtir la robe de safran et devenir ainsi un moinillon. Comme tous les jours après chaque procession autour du temple, les enfants entrent dans la salle des prières et écoutent le sermon du moine.
Mais à la différence des autres jours, ils vont maintenant s’engager à respecter un certain nombre de préceptes et rester au temple un minimum de 7 jours à partir du lendemain.
Il auront, en effet, le droit de passer une dernière nuit dans leurs cabines respectives avec leurs familles et se rendront au temple à l’aube du sixième jour, mais cette fois avec leurs propres jambes !!
La durée de vie monastique dépendra ensuite de chacun, mais s’arrêtera généralement au plus tard à la rentrée scolaire. Certains garçons plus âgés qui ont déjà terminé leur scolarité obligatoire participent aussi à ces festivités, ils sont eux aussi Hsang Long, mais enfilent ensuite la robe safran pour devenir de vrais moines.
Ils suivent exactement le même rituel de 5 jours que les autres, mais – poids oblige – certains ont à leur disposition 4 porteurs au lieu d’un.
Une dernière précision au sujet de la tonte des cheveux : contrairement à la Thaïlande où celui qui devient moine se fait aussi tondre les sourcils, les moines Shans et, plus largement, les moines Birmans les conservent. L’origine de cette différence remonte, semble-t-il, à l’époque du Roi Naresuan et des conflits entre le Siam et la Birmanie. Les Birmans avaient envoyé des espions déguisés en moines. L’ayant appris, le Roi du Siam a donné comme instructions que tous les moines Siamois devraient dorénavant se raser aussi les sourcils, ce qui permettrait de reconnaître les espions plus facilement.
27 Avril – Poi Hsang Long (jours 2 et 3)
Suite du billet du 26 avril
JOUR 2
Au matin du 2ème jour, les parents font la toilette du Hsang Long en utilisant un bol d’or et d’argent (enfin, certainement ayant la couleur de l’or et/ou de l’argent !!). Ils lui donnent ensuite son repas en portant les aliments jusqu’à sa bouche.
Je rappelle en effet que le futur moinillon est considéré comme un prince et ne doit RIEN faire pendant ces 5 jours. Il s’agit en fait d’une démarche spirituelle au cours de laquelle il traverse une première période où il goûte aux plaisirs d’une existence purement matérielle dans laquelle ne manque de rien et peut jouir d’une totale oisiveté avant d’être soumis aux règles très strictes de la vie monastique qu’il adoptera ensuite pendant une durée minimale de 7 jours. Cette démarche s’inspire de la vie du Bouddha qui était lui-même prince avant de choisir de tout quitter pour sa quête de la vérité (la vie, l’univers et tout le reste…).
La photo ci-dessus illustre parfaitement la principale activité des Hsang Long pendant ces 5 jours.
Une nouvelle procession a ensuite lieu autour du temple dont les participants font trois fois le tour, un rituel qui sera répété à trois reprises pendant la journée.
Au cours de ce deuxième jour, les Hsang Long vont également rendre visite au village d’où il sont originaires. Les festivités se déroulent en effet dans des centres communautaires importants qui concentrent plusieurs dizaines de villages, des villages dont les habitants n’auront pas forcément le temps d’aller saluer leur “petit prince” d’une semaine.
JOUR 3
Le troisième jour commence comme le deuxième, à savoir toilette puis procession autour du temple, avec pour différence que les Hsang Long ne vont maintenant plus quitter le centre des festivités. Ils accueillent en effet les visiteurs qui sont venus les encourager dans leur démarche et offrent à ceux-ci une collation sur les tables dressées devant chaque cabine. En échange,n chaque visiteur se doit de déposer une enveloppe dans une urne prévue à cet effet devant la cabine (généralement quelques dizaines de Bahts).
La particularité est que si la deuxième journée est plutôt réservée aux familles, le troisième jour, toute personne de passage peut, si elle le souhaite, se faire offrir une collation à chacune des 85 cabines (il y avait 85 Hsang Long cette année !!). Je rappelle qu’aucun alcool n’est servi dans l’enceinte où ont lieu les festivités, au vu de cet usage il n’est pas difficile d’imaginer le résultat de 85 “dégustations” dont certains ne manqueraient pas de profiter.
Et toujours la même règle : ne RIEN faire, avoir un porteur à sa disposition dès que l’on souhaite aller quelque part.
Rendez-vous demain pour le quatrième et le cinquième jour.
26 Avril – Poi Hsang Long
Ce nom relativement difficile à prononcer pour un occidental désigne une série de festivités qui ont lieu chaque année au mois d’avril au sein des communautés Shan au Nord de la Thaïlande. Nous les avions manquées de peu au cours de notre passage dans la région de Mae Hong Son fin mars, j’ai pu assister “en coup de vent” à quelques préparatifs dans un temple Shan de Chiang Mai (le Wat Pa Pao pour ceux qui connaissent !) et un concours de circonstances nous a finalement permis de vivre pleinement cet évènement majeur le weekend dernier au cours d’un séjour à Wiang Haeng, un gros bourg montagnard à environ 160 km au nord de Chiang Mai.
Je reviendrai sur les raisons de notre séjour dans cette région dans un prochain billet, je vais pour l’instant faire appel à mes souvenirs encore récents pour essayer de décrire le plus précisément possible ce que j’estime être l’une des plus belles fêtes à laquelle j’ai eu la chance de pouvoir assister depuis que je vis en Thaïlande. Une fête d’autant plus belle qu’il n’existe ici aucune, mais alors AUCUNE motivation touristique et – un fait rare qui mérite d’être souligné – une consommation d’alcool quasiment nulle puisqu’aucune goutte de ce produit chimique n’est servie pendant cette période (du moins dans le cadre des cérémonies proprement dites !!).
Poi Hsang Long désigne la cérémonie au cours de laquelle les jeunes garçons de l’ethnie Shan deviennent moines, ou plus exactement ‘”moinillons” puisqu’ils sont généralement âgés d’une dizaine d’années. Les festivités durent en tout 5 jours et celles de Piang Luang auxquelles nous avons assistées sont, parait-il, les plus importantes de Thaïlande car elles se déroulent dans un haut lieu historique des Shans. Elles ont lieu tous les ans pendant le mois d’avril, c’est-à-dire pendant les vacances scolaires d’été, et leurs dates précises étant fixées par chaque communauté en fonction de critères locaux spécifiques.
JOUR 1
Les familles des Hsang Long (nom qui désigne les “pré-moinillons”) préparent ce qui sera leur demeure pendant les 5 jours des cérémonies. Il s’agit d’une espèce de cabine en bambou ouverte d’un côté et à l’intérieur de laquelle sont conservés tous les vêtements qui seront portés par le Hsgan Long pendant les festivités. Des tables sont dressées devant les cabines pour servir des collations aux visiteurs de passage.
C’est aussi ce 1er jour que le jeune garçon se fait raser le crâne et qu’il devient alors pleinement un Hsang Long. À partir de ce moment, il est considéré comme un petit prince et il n’a plus rien à faire, mais alors RIEN DE RIEN. Un ou plusieurs porteurs sont à sa disposition et le transportent sur leurs épaules dès qu’il souhaite aller quelque part (oui, même pour aller là !!).
J’imagine que certains jouent les “pourris – gâtés” et en profitent pour solliciter leur porteur très souvent, surtout si ce dernier est un oncle ou un parent qui l’a récemment contrarié
Une première procession autour du temple a lieu le soir du 1er jour, après quoi les Hsang Long et leurs familles vont passer la nuit dans leurs cabines respectives.
Bon, j’en ai déjà écrit pas mal, je vous propose donc de revenir demain pour le déroulement du deuxième et du troisième jours ainsi que d’autres photos.