1er décembre – Je suis zému
La fête des pères en Thaïlande est célébrée tous les ans le 5 décembre, jour de l’anniversaire de sa Majesté le Roi Bhumibol Adulyadej qui fêtera cette année ses 84 ans, soit sept cycles complets de 12 ans.
Des festivités sont organisées un peu partout dans le pays et toutes les écoles ont inclus dans leur emploi du temps une journée “spéciale papas” au cours de laquelle les élèves présentent des spectacles divers et variés aux papas qui ont réussi à se libérer pour l’occasion. Il faut dire que les circonstances disons… exceptionnellement aquatiques !! de cette année ont contraint la grande majorité des écoles de Bangkok à décaler la reprise du deuxième semestre et l’établissement que fréquentent de nos filles fait même figure de privilégié puisque les cours avaient repris ce lundi, le 28 novembre, alors que certains ne pourront pas rouvrir leurs portes avant début janvier.
Ce décalage de 4 semaines pour ce qui nous concerne a également donné lieu à une révision du calendrier scolaire pour le reste de l’année avec une réduction en conséquence des activités annexes dont fait notamment partie la “journée des papas”. Les élèves qui présentaient un spectacle n’ont ainsi eu que 3 jours pour se préparer (mais ils/elles se sont bien débrouillés quand même !!) et la journée elle-même a été limitée aux 3 premières heures de la matinée, pause café comprise.
Mais l’ambiance était à la joie et à la bonne humeur, tous les professeurs étaient présents et très heureux eux aussi d’avoir pu reprendre “une activité normale” et j’ai été agréablement surpris par le grand nombre de papas qui avaient fait le déplacement en ce jour de milieu de semaine, d’autant plus que beaucoup d’entre eux n’ont pas la chance comme nous d’habiter à 5 minutes à pieds (ou 20 minutes en voiture !!) de l’école.
En plus de préparer chants et spectacles, il avait aussi été demandé à chaque élève de confectionner lui/elle-même une carte de vœux pour la fête des pères. Et là, je dois avouer que j’ai été bluffé par l’ingéniosité de Naomi, notre cadette, qui non seulement a rédigé un texte un peu plus élaboré que les expressions pleines de sentiments, je n’en doute, pas, mais banalement protocolaires du genre “I Love You Dad”, mais a aussi fait spontanément l’effort de l’écrire en français (cliquez pour agrandir).
Je rappelle qu’à part quelques heures à l’Alliance française il y a quelques années, aucune de nos filles n’a jamais suivi de cours de français et je suis le seul francophone régulièrement présent dans leur entourage. Bon, c’est vrai que Google Translator aide pas mal, mais encore faut-il en avoir envie. Après tout, à quoi bon faire l’effort de parler/écrire dans une langue qu’une seule personne de son entourage pratique ?
J’en suis encore tout zému.
P.S. Pour l’année prochaine, je vais essayer l’alsacien. Il existe là aussi des dictionnaires en ligne.
27 Novembre – Journée d’examens
C’était programmé depuis presque 2 mois : ce weekend nous avons effectué un aller/retour Bangkok <=> Chiang Mai pour les tests d’évaluation de la future école des filles : l’école Varee.
Départ vendredi après-midi, retour sur Bangkok samedi dans la soirée. Un hôtel près de l’école pour pouvoir y être assez tôt, une voiture de location pour l’autonomie de mouvement : simplicité – efficacité pour un déplacement qui se voulait avant tout utilitaire sans vraiment de place pour le tourisme.
Pour ça, nous reviendrons à la fin de l’année !!
Comme indiqué au début, nous avions programmé ce voyage depuis presque deux mois déjà, juste après l’inscription des filles dans leur nouvel établissement début octobre. À ce moment, personne, mais alors PERSONNE ne se doutait que les inondations qui ont affecté – et qui affectent toujours – Bangkok prendraient des proportions aussi catastrophiques et dureraient aussi longtemps. Nous supposions donc que le deuxième semestre aurait déjà recommencé, que les filles auraient cours le vendredi après-midi et avions par conséquent réservé un vol après de Nok Air, une compagnie qui dessert de Don Muang, l’ancien aéroport près duquel nous habitons.
L’eau ayant transformé les pistes de ce terrain historique en une gigantesque piscine, tous les vols ont été transférés au nouvel aéroport, Suwarnapoom, à près de 40 km de notre domicile. Mais comme la rentrée du deuxième semestre n’aura lieu que demain, lundi 28 novembre, l’heure de trajet supplémentaire imposée par les embouteillages de Bangkok pour atteindre notre nouveau point de départ n’était pas très gênante.
Arrivée à Chiang Mai, nous nous rendons au guichet de la compagnie de location de voitures. Ce guichet, ainsi que ceux d’autres compagnies de location, se trouve directement à côté d’une porte qui reste ouverte constamment et qui débouche sur un parking exclusivement réservé aux véhicules de location (cette précision est importante pour la suite !!). Le temps de récupérer les clés, de faire le tour du véhicule, Pong et les filles s’étaient attablées pour prendre un goûter. Les formalités terminées, je vais pour les rejoindre et récupérer les sacs quand soudain le gardien de la porte me barre le passage. Ce même gardien qui m’a vu sortir 1 minute plus tôt avec l’employé de la société de location me fait comprendre par des gestes (il ne veut/sait pas parler !!) qu’il faut que je refasse tout le tour de l’aérogare pour rentrer par l’avant. Il me montre d’ailleurs une petite pancarte visible uniquement à l’extérieur (aucune indication à l’intérieur !!) sur laquelle figure “No Entry”.
Je rappelle que nous sommes toujours dans une zone exclusivement réservée aux véhicules de location de l’aéroport !! Mais bon. Le règlement c’est le règlement et ceux qui “pondent” (pas qui élaborent) les règlements sont rarement ceux qui les font appliquer dans la vraie vie !!
J’appelle donc Pong qui était toujours attablée avec les filles à quelques mètres de là, elle vient me rejoindre … Stop !!! … trop tard. Elle aussi a franchi la ligne invisible gardée par l’inflexible et zélé cerbère qui réussit quand même à prononcer 3 mots en Thaï au milieu desquels je crois reconnaître “X-Ray”. Restent les filles – avec notre sac – toujours à l’intérieur. Nous les appelons, elles approchent avec le sac pas trop lourd mais quand même, je vais pour les aider à porter le sac sur les 10 derniers mètres, mais rien à faire : le porteur de béret est déterminé à remplir sa mission jusqu’au bout. On lui a dit “No Entry”, il applique “No Entry”. D’ailleurs la tête ça sert à tenir le béret, pas à réfléchir !!
Le lendemain, lorsque nous rapportons la voiture, l’employé de la société de location nous explique que ce règlement totalement absurde les gêne eux aussi et qu’ils s’en sont déjà plusieurs fois plaint auprès de la direction de l’aéroport. Ben oui : eux aussi, ils sortent avec un client et sont obligés de refaire tout le tour en passant par les contrôles aux rayons X pour revenir sur leur lieu de travail !! Côté positif (il y en a toujours un) : c’est bon pour la ligne, car ça leur fait faire 300 m de marche à pied à chaque fois.
Il a d’ailleurs profité de notre “incident” pour signaler une nouvelle fois la totale irrationalité de ce règlement, et au moment de nous faire signer les papiers de décharge après la remise du véhicule (nous étions à l’intérieur et lui à l’extérieur), il s’est même amusé à pousser jusqu’au bout la carte de l’absurdité en tenant le document tout juste à la limite de la porte – toujours grande ouverte – et en me demandant suffisamment fort pour que le gardien l’entende de ne pas sortir la main trop loin pour signer (dés fois qu’il lui viendrait à l’idée de demander à ma main de refaire le tour…).
Côté scolarité, les filles attendent à présent la confirmation (j’espère !!) de leur admission vers la mi-décembre et elles sont toutes les deux revenues enchantées de la demi-journée passée dans leur future école qu’elles sont impatientes de rejoindre.
21 Septembre – Lycée français de Bangkok, 3ème partie
Je devrais en fait modifier le titre de cette série de billets qui ont évolué vers le thème plus général de l’éducation des enfants métis, un sujet qui semble toujours intéresser autant au vu des questions qui me sont adressées. Je souhaite cependant préciser une nouvelle fois que je n’ai nullement la prétention de connaître la solution idéale ; il s’agit ici de notre propre démarche, de notre vécu personnel dans un environnement familial spécifique qui ne peut pas nécessairement être reconstitué à l’identique et qu’il ne faudrait surtout pas généraliser.
Il existe néanmoins une règle que l’on peut sans crainte qualifier d’universelle, applicable à tous les enfants métis, et qui résulte directement de ladite qualité de métis, c’est celle que j’avais indiquée dans mon dernier billet :
N’oubliez jamais le fait qu’il/elles sont métis(ses) et, dans la mesure du possible, intégrez ce facteur dans leur éducation !!
Autre règle, qui répond à certaines questions posées et qui concerne elle aussi les enfants métis et plus précisément les enfants qui ont eu la chance fabuleuse de naître dans une famille polyglotte :
Ne jamais déroger à la règle “1 parent = 1 langue”
En effet, un enfant voudra instinctivement communiquer et dialoguer avec ses deux parents et si chacun de ses parents prend l’habitude de lui parler dans sa propre langue maternelle, c’est-à-dire celle qu’il/elle maîtrise le mieux et qu’il/elle parle sans trop d’accent (ou chuste hun bedi beu l’accent Halsacien !), l’enfant sera parfaitement bilingue. La même règle pourrait s’appliquer aux familles où l’un des parents possède une bonne maîtrise d’une deuxième langue (pas nécessairement sa langue maternelle) et qui font le choix du bilinguisme. Mais là aussi il est essentiel de TOUJOURS s’en tenir à la règle 1 parent = 1 langue et ne jamais opter, même ponctuellement, pour la solution de facilité consistant à donner des explications dans l’autre langue.
Étant originaire d’une région où la langue régionale est encore très présente (on s’en serait douté !!), j’ai moi-même eu la chance d’évoluer dans un environnement bilingue et de rencontrer différents cas de figure. Un point très important qui mérite d’être souligné : il ne faut surtout pas faire l’erreur de croire que ce bilinguisme risque d’entraîner un retard scolaire, notre propre expérience tend plutôt à démontrer le contraire. De même, il ne faut pas non plus commettre l’erreur d’arrêter de pratiquer “l’autre” langue une fois que les enfants commencent à fréquenter l’école (un parent qui change soudainement de langue d’expression a plutôt de quoi dérouter !!).
En pratique, il aurait été très maladroit de ma part d’arrêter de parler le français à nos filles et d’essayer de leur baragouiner un Thaï hésitant par crainte que leur francophonie puisse les handicaper dans leur scolarité, d’autant plus que lorsqu’elles ont commencé à fréquenter l’école en Thaïlande, leurs maîtresses étaient très agréablement surprises de découvrir que même après avoir vécu respectivement 4 ans et 2-1/2 ans en France avec leur maman pour seule interlocutrice dans la langue Thaïlandaise, elles maîtrisaient mieux celle-ci que les autres enfants “locaux” monolingues. J’ai en fait constaté qu’en pratiquant couramment deux langues, l’enfant est beaucoup plus attentif à l’articulation et à la prononciation, parce qu’il/elle veut être sûr(e) de bien se faire comprendre par la personne à qui il/elle s’adresse.
Bon, après cette “parenthèse” linguistique, revenons à nos propres choix et au parcours que nous avons suivi. J’en étais resté à nos premiers pas dans un environnement pédagogique biculturel et c’est au cours de mes réflexions en quête d’une autre solution de scolarisation que j’ai découvert le concept des écoles bilingues (aussi appelées “English Program”) que j’avais présenté rapidement dans mon premier billet. Il s’agit en fait d’écoles privées qui suivent le programme officiel de l’éducation nationale mais où toutes les matières générales (maths, science, géographie, etc.) sont enseignées en anglais par des natifs anglophones et les matières typiquement Thaïlandaises (la langue Thaïlandaise, éducation civique, etc.) par des professeurs Thaïlandais. Il y a donc 2 enseignants par classe et les enfants sont en immersion totale dans un environnement bilingue dès leur plus jeune âge, ce concept étant proposé dès la maternelle avec une moyenne de 70% des cours dispensés en anglais à l’école primaire.
Le cerveau des enfants étant une véritable éponge à connaissances, ils n’éprouvent aucune difficulté particulière à assimiler ce qui n’est après tout qu’un nouveau moyen de communication, mais avec un avantage incontestable par rapport à un apprentissage simplement académique : l’utilisation pratique directe de la nouvelle langue acquise. En clair, il ne s’agit pas d’une banale matière comme une autre, mais d’un véritable support de communication utilisé au quotidien pour interagir avec leur environnement et pour emmagasiner de nouvelles connaissances.
Bien sûr, on peut légitimement se poser la question de la raison du choix de l’école bilingue anglo-thaïe plutôt que franco-thaïe dans notre cas. La réponse est simple : ça n’existe pas !!
Et en toute honnêteté, c’est une question qui ne m’a même pas effleuré l’esprit. Je rappelle en effet que nous sommes des migrants et je considère que la connaissance de la langue anglaise – première langue parlée dans le monde – est nettement plus utile dans l’environnement dans lequel nous avons choisi d’éduquer notre progéniture.
Ceci ne nous empêche bien évidemment pas de continuer à parler en français à la maison, et même si elles se sentent pour l’instant plus à l’aise dans la langue de Walt Disney que dans celle de Franquin, leur francophonie est acquise et entretenue et elle pourra toujours être améliorée dans l’avenir en cas de besoin.
Nous nous sommes donc mis à la recherche d’une école bilingue, mais toujours en gardant à l’esprit la règle énoncée ci-dessus concernant le métissage, ce qui voulait dire que notre école “idéale” devait être non seulement bilingue, mais aussi biculturelle ou, mieux encore, multiculturelle.
Il existe, en effet, pléthore d’établissements qui profitent de l’engouement de la classe moyenne Thaïlandaise pour la formule “English Program” et qui excellent dans l’art de publier des brochures publicitaires vantant les mérites de “leur” méthode, mais en poursuivant toutes un seul et même but : le profit financier !!
Il faut donc rester extrêmement vigilant, et même si la recherche du profit financier ne s’effectue pas nécessairement au détriment de la pédagogie, ce n’est pas parce que le bâtiment est tout beau et tout neuf avec des frais de scolarité en rapport que l’éducation sera forcément meilleure que dans une école plus modeste dont l’ancienneté peut aussi être synonyme d’expérience. L’établissement que nous recherchions devait accueillir une proportion non négligeables d’autres enfants métis (et pas seulement des sino-thaïs pourris-gâtés que leurs familles ont placé là pour garder la face !!) et présenter un taux de renouvèlement des enseignants étrangers le plus faible possible, c’est-à-dire employer une majorité de vrais professeurs, pas seulement des routards de passage qui veulent juste avoir un visa d’un an et qui servent de caution à l’école pour leur argumentaire commercial : “Vous voyez, nous avons beaucoup de professeurs Farangs !!”.
Entre les châteaux façon “Harry Potter” qui sentent encore la peinture fraîche et les écoles anciennement 100% Thaïe qui viennent soudainement de se découvrir une vocation bilingue ($ $ $) mais où personne (ou presque) ne parle l’anglais, il n’existe en fait qu’une petite poignée d’établissements sur Bangkok qui remplissaient réellement les critères que nous nous étions fixés.
Nos filles fréquentent maintenant pour la quatrième année consécutive l’école Daroonpat, un établissement aux dimensions humaines qui compte environ 250 élèves dont 20% de métis, pour un coût de l’ordre de 3000 Euros par an et par enfant, cantine scolaire et sorties incluses. Et même si nous allons changer l’année prochaine pour le passage en secondaire de Maeva, notre aînée, nous ne regrettons absolument pas ce choix et irions même jusqu’à le conseiller aux autres parents qui souhaitent comme nous voir leur descendance évoluer dans un environnement pluriculturel, avec de vrais professeurs anglophones (certains sont là depuis plus de 5 ans) qui donnent de vraies notes (pas des résultats gonflés pour faire bien !!) et qui n’hésitent pas à demander le redoublement d’un élève dont le niveau est jugé insuffisant (même si les parents dudit élève le changent ensuite pour un établissement qui donne des notes proportionnelles à leur générosité lors de l’inscription).
Bon, je constate que je me suis une nouvelle fois laissé emporté par mon inspiration – il est vrai qu’il y a de quoi. Je vous avais bien dit que j’allais essayer de résumer…
Il faudra donc patienter jusqu’à mon prochain billet consacré à ce sujet pour découvrir que certains enfants issus d’un milieu très aisé ne sont toujours pas capables de lacer seuls leurs chaussures à l’âge de 12 ans alors que les petits montagnards de 5 ans à peine font leur propre vaisselle et même parfois leur lessive, ou encore pour intégrer dans l’éducation un autre aspect auquel je n’avais pas vraiment pensé jusqu’à présent, mais qui peut pourtant lui aussi devenir une composante déterminante de l’avenir de notre progéniture : les réseaux !! (non, pas Facebook).
11 Septembre – Lycée français de Bangkok, la suite…
Des statistiques de consultation du blog qui explosent, plusieurs messages/avis de lecteurs ainsi que des questions plus spécifiques : il semble que l’éducation des enfants en général et la scolarisation des métis en particulier soit un sujet qui intéresse. Et c’est tant mieux !!
Je vais donc essayer de résumer (on ne ris pas !!) notre propre expérience en décrivant le cheminement que nous avons suivi depuis la première – et la seule – rentrée des classes en France jusqu’à la situation actuelle et notre prochain re-changement d’école, en soulignant certains aspects spécifiques aux enfants métis auxquels je n’avais pas pensé initialement et qu’il serait maladroit de négliger.
Je n’ai bien évidemment aucune prétention d’expertise “ès pédagogie” et encore moins de détention de la vérité absolue, chaque cas est spécifique et je jouis en outre de l’immense privilège de n’être soumis à aucune contrainte géographique professionnelle, ce qui nous laisse une liberté de choix totale pour l’école et nous permet d’adopter une démarche inverse : à savoir choisir l’école et ensuite rechercher un logement à proximité.
Il est vrai qu’en France la question ne se pose en général pas vraiment, on scolarise les enfants tout simplement à l’école du village ou du quartier avec éventuellement une option école privée pour ceux qui en ont les moyens et qui l’estiment nécessaire. C’est un peu le raisonnement que nous avions nous aussi suivi initialement après nous être assuré de la présence d’une école de bonne qualité à proximité de notre future maison.
Il s’agissait d’une école privée comme il en existe des milliers à travers le pays, avec une moyenne de 20 à 25 élèves par classe en maternelle tout comme en primaire et aussi – très important à mes yeux – un “vrai” enseignement de l’anglais dès le plus jeune âge. La maternelle, non obligatoire en Thaïlande, ayant surtout un rôle de sociabilisation et d’apprentissage de la vie en communauté, l’établissement scolaire choisi remplissait parfaitement sa mission à ce niveau là, et même plus encore puisque tous les élèves savaient lire et écrire aussi bien le Thaï que l’alphabet latin à la fin de leurs 3 années de maternelle !!
Et cerise sur le gâteau : cette école possède sa propre piscine et tous les enfants suivent des cours de natation avec un professeur diplômé dès l’âge de 4 ans. À titre indicatif, le coût de la scolarisation était de l’ordre de 700 à 800 Euros par an et par enfant, en incluant les fournitures, les uniformes, la cantine et le ramassage à domicile par un minibus de l’école.
Par comparaison, l’école publique du village comptait une moyenne de 35-40 élèves par classe en primaire et “tout le monde en vrac” en maternelle, une maternelle qui s’avérait en fait plus être une garderie améliorée dont le rôle essentiel était d’assurer la surveillance des enfants pendant la journée de travail des parents. Un environnement pas vraiment favorable à une construction structurée de la personnalité et – très important – au développement d’un esprit studieux.
Tous semblait donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais nous avions tout de même oublié un petit détail : nos filles sont métisses !!!
Le métissage est une caractéristique très appréciée par les Thaïs en perpétuelle quête d’occidentalisation de leur aspect, mais qui peut parfois présenter certains inconvénients, notamment lorsque lesdites métisses sont considérées comme privilégiées et traitées comme telles. Nos filles étaient en fait les seules métisses présentes dans cette école fréquentée essentiellement par des enfants de commerçants et de cadres de l’administration et certaines anecdotes – plutôt amusantes au début – ont commencé à éveiller mon attention.
Exemple : un jour, notre cadette rentre à la maison et nous annonce que sa meilleure copine ne veut plus qu’elle vienne jouer chez elle. Bon, ce sont des petites histoires de maternelle mais nous essayons tout de même d’en savoir plus. Il s’est en fait avéré que Naomi avait raconté notre récent weekend à Kuala Lumpur, en plus de toutes les autres sorties et voyages que nous faisons régulièrement, et qu’à de rares exceptions près, aucun des autres enfants de l’école n’avait jamais voyagé et la principale occupation du weekend se limitait à aller manger une glace au supermarché du coin.
J’avais aussi constaté une baisse de l’assiduité et des résultats de notre aînée après son passage en primaire. Bien que toujours dans le peloton de tête, Maeva semblait moins enthousiaste à l’idée d’aller à l’école et n’avais pas l’air très suivie par sa maîtresse. Il s’est en fait avéré que cette dernière ne s’intéressait pas vraiment à elle tout simplement parce qu’elle la considérait comme une privilégiée qui n’avait pas besoin de bien travailler à l’école pour assurer son avenir. Un raisonnement qui peut sembler plutôt curieux de la part d’une enseignante, mais qui est très courant en Thaïlande où les classes moyennes et aisées se considèrent comme des “clients” de l’école qu’elles ont choisie peur leur progéniture et attendent que ladite progéniture reçoive (pas forcément obtienne !!) des notes en rapport avec les frais de scolarisation. En clair, si l’enfant ne reçoit pas de bonnes notes, c’est que l’enseignant n’est pas compétent. Un phénomène très courant à Bangkok et qui oblige à redoubler d’attention – j’en parlerai plus dans un prochain billet.
À cela venait s’ajouter un mode de vie totalement différent de celui des autres enfants du village auxquels nos filles ne parvenaient pas vraiment à s’identifier. Un peu le syndrome du vilain petit canard, mais à l’envers !!
J’ai donc commencé à réfléchir à une solution et, dans un premier temps, les ai inscrites aux cours de français prodigués tous les samedis matins à l’Alliance française de Bangkok.
Outre le perfectionnement dans l’une de leurs langues maternelles, l’objectif était aussi – et surtout – d’élargir leur horizon au travers d’un contact avec des enfants métis comme elles dans un environnement pédagogique totalement différent de leur quotidien. Je venais en fait de franchir un premier pas vers la biculturalité de l’enseignement sans encore connaître le principe des écoles bilingues (et, dans un certain sens, biculturelles).
Mais ça, je vous en parlerai dans un prochain billet. Pour l’instant, je me contenterai de donner un conseil aux familles mixtes qui, comme nous, vivent en Thaïlande et peut-être aussi ailleurs en Asie et qui sont confrontées au problème du choix de l’école pour leurs enfants :
N’oubliez jamais le fait qu’il/elles sont métis(ses) et, dans la mesure du possible, intégrez ce facteur dans leur éducation !!
Cette caractéristique de métissage fait partie intégrante de leur personnalité et j’estime qu’il est nettement préférable, pour ceux qui en ont la possibilité, d’offrir à leurs enfants l’occasion d’épanouir et de valoriser leur métissage dans un environnement propice plutôt que de vouloir les cantonner dans l’une ou l’autre culture.
En grandissant en tant que métis, ils/elles assumeront pleinement leur biculturalité et se sentiront autant à l’aise d’un côté que de l’autre. Au contraire, en les cantonnant dans l’une ou l’autre de leurs origines, ils/elles risquent de se sentir étrangers de l’autre et même, dans certains cas, étrangers aussi dans la monoculture au sein de laquelle ils/elles grandissent (exemple : voir mon billet précédent, l’anecdote Farang).
Après toutes ces réflexions ‘”migrainigènes” et pour vous faire patienter jusqu’à la semaine prochaine et mon troisième billet à ce sujet, voici un petit problème qui faisait partie des devoirs de Maeva ce weekend :
David drove from Town P to Town Q at a speed of 105 km/h. Bala drove from Town Q to Town P at a speed of 80 km/h, but he started 1 hour earlier than David. After driving for 2 hours, David met Bala on the road. What is the distance between Town P and Town Q?
Pour ceux qui ne sont pas familiarisés avec la langue de Rick et Alvin, voici la traduction en français. Mais l’énoncé du problème reste identique !!
David a circulé de la ville P à la ville Q à une vitesse de 105 km/h. Bala a circulé de la ville Q à la ville P à une vitesse de 80 km/h, mais en étant parti 1 heure plus tôt que David. Après avoir conduit pendant 2 heures, David a rencontré Bala sur la route. Quelle est la distance entre les deux villes P et Q?
4 Septembre – Le Lycée français de Bangkok
La question de la scolarisation des enfants, sans pour autant être obsessionnelle, n’en demeure pas moins un sujet que nous abordons régulièrement aussi bien avec certains parents des copains/copines de classe des filles qu’avec d’autres familles franco-françaises ou franco-thaïes que nous sommes amenés à rencontrer. En effet, quoi de plus naturel, j’aurais presque envie de dire quoi de plus instinctif, que d’essayer de trouver la meilleure voie pédagogique possible, celle qui permettra à notre progéniture de s’épanouir et de valoriser pleinement son potentiel intellectuel et créatif ?
Or, j’ai constaté un phénomène des plus curieux lorsque nous évoquons cet aspect avec d’autres français, et pas seulement des “vrais” expatriés*. Ça donne à peu près ça :
-
Ah bon ? Vos enfant ne vont pas au Lycée français ?
(avec une expression faciale à mi-chemin entre la première
tentative de dégustation du durian et un saut à l’élastique)
Depuis peu, lorsque nous évoquons notre futur déménagement à Chiang Mai, il y a aussi ça :
-
Mais comment vous allez faire pour le Lycée français ?
(là, c’est plutôt le visage en mode “yeux ronds” avec une
bouffée de points d’interrogation au-dessus de la tête)
Et j’ai définitivement abandonné toute tentative de décrire la tête que font ces mêmes personnes lorsque nous leur expliquons ensuite que c’est justement l’éducation de nos enfants qui a été l’une des principales raisons de notre déménagement, ou plutôt de notre migration en Thaïlande.
En fait, en tant que migrants (et non pas expatriés*), il ne nous serait jamais venu à l’idée de déménager en Thaïlande pour envoyer nos filles au Lycée français et il m’arrive même de retourner la question à certaines familles franco-thaïes : si vous habitiez en France, mettriez-vous vos enfants au Lycée thaïlandais de Paris ? (pour peu qu’il existe !!)
C’est vrai que notre choix peut avoir de quoi surprendre, surtout au vu du niveau catastrophiquement faible de l’enseignement public thaïlandais. Les méthodes pédagogiques se résument ici à l’apprentissage par cœur qui consiste à faire répéter pendant des heures des successions de mots, de phrases ou de chiffres, suivant la matière enseignée, avec pour résultat des générations de perroquets totalement dépourvus de tout sens de l’analyse et de tout esprit critique. Pour caricaturer à l’extrême, j’irais jusqu’à dire que l’élève moyen en sortie de primaire saura que 4 x 8 = 32, mais sera incapable de dire combien font 8 x 4 parce qu’il ne l’aura pas appris par cœur. Et cette situation est d’autant plus paradoxale qu’avec plus de 98 % des élèves de 15 ans qui savent lire et écrire, la Thaïlande possède l’un des meilleurs taux d’alphabétisation d’Asie du Sud-Est. Mais il est vrai que ce n’est parce que l’on sait lire que l’on comprend ce qu’on lit !!
Alors pourquoi cette démarche qui semble en totale contradiction avec notre recherche de l’éducation optimale ?
En fait, nous avions le choix : soit démarrer leur scolarité en France, dans quel cas il nous aurait encore fallu attendre une vingtaine d’années avant de pouvoir “prendre notre retraite sous les cocotiers” (cliché !), soit sauter le pas dès maintenant et nous engager dans le circuit scolaire thaïlandais. J’avoue que je ne connaissais pas vraiment la situation réelle au début, mais fréquentant depuis longtemps les cultures asiatiques j’ai toujours été séduit par leur sociabilité, leur discipline et le très faible taux de délinquance qui y règne. Un environnement plutôt accueillant qui me semblait être le résultat direct de l’éducation, et c’est cet environnement éducatif que nous souhaitons offrir à nos filles.
Il s’agit ensuite de faire le bon choix, car l’offre ici est immense, d’autant plus qu’il n’existe pas de carte scolaire, même dans l’enseignement public, et les parents ont donc une totale liberté de choix de l’établissement dans lequel ils veulent envoyer leur progéniture, en ajoutant à cela que certains paient des dessous de table pour faire entrer leur descendance dans les écoles qui n’ont plus de prestigieux que le nom, il faut réellement rester très vigilant. Si vous souhaitez en savoir un peu plus sur le système scolaire thaïlandais, je vous invite à lire mon blog sur les écoles en Thaïlande dans lequel j’essaie d’expliquer l’éventail des possibilités offertes et qui contient aussi un tableau d’équivalence des classes entre le système français et le système thaïlandais.
Pour revenir à notre propre situation, nous avons opté pour une scolarité dans une école dite bilingue (ou “English Program”) où les matières générales sont enseignées en anglais par des natifs anglophones et les matières spécifiquement thaïlandaises en thaïlandais par des enseignants thaïlandais. Il y a donc 2 professeurs par classe avec une moyenne de 25 élèves, une taille humaine particulièrement propice à un enseignement de qualité et où il existe une réelle interaction avec les élèves. Nous considérons en outre que la qualité de l’éducation n’est pas forcément proportionnelle au coût de l’école (nous ne payons pas pour que nos filles aient de bonnes notes !!) et aussi que l’école n’est que l’une des composantes qui interviennent dans ladite éducation, mais assurément pas la seule.
Je dois avouer que nous sommes jusqu’à présent plutôt satisfaits de nos choix, nos filles sont parfaitement trilingues et même si elles utilisent de préférence le Thaï lorsqu’elles dialoguent entre elles, elles passent sans difficulté d’une langue à l’autre et ont même tendance à préférer regarder les films en version française plutôt qu’en thaï ou en anglais (bon, c’est vrai que Astérix et Cléopâtre en Thaï ça ne passe pas vraiment !!). De plus, leur ouverture d’esprit et leur curiosité n’ont rien à envier aux petits européens de leur âge, nous avons pu nous en rendre compte encore récemment, avec en plus la discipline “intelligente” et le respect d’un certain ordre moral propre aux sociétés asiatiques.
Alors non, n’en déplaise aux expatriés purs et durs qui vivent en vase clos dans le quartier gaulois de l’hyper-centre de Bangkok : Nos enfants ne vont pas au Lycée français !!
* Je fais volontairement la différence entre l’expatrié pur, qui vit à l’étranger pour des raisons essentiellement professionnelles, et le “migrant”, la catégorie à laquelle je considère appartenir et dont les principales motivations sont plutôt d’ordre socio-culturelles, familiales, financières, etc. mais dont la vie à l’étranger est avant tout un choix personnel et non pas une opportunité de carrière.
12 Août – Bonne fête maman
Le Royaume de Thaïlande rend chaque année hommage à la “maman” de tous ses sujets, à savoir sa Majesté la Reine Sirikit dont c’est aujourd’hui l’anniversaire. Toutes les écoles du pays organisent des cérémonies pour cette occasion auxquelles sont invitées les mamans (enfin celles qui peuvent se libérer…), accessoirement les papas (pour prendre des photos…) ainsi que l’une ou l’autre personnalité locale généralement chargée de faire un discours (dans notre cas il s’agissait d’un moine du temple voisin).
Le 12 août étant un jour férié, toutes ces animations ont généralement lieu la veille avec présentation de spectacles divers et variés, souvent exécutés avec une certaine hésitation, mais toujours énormément de conviction par les enfants des plus petites classes qui, tout en dansant ou en chantant, s’observent les uns les autres du coin de l’œil pour essayer de rester dans le rythme.
Il y a eu cette année un intéressant mélange entre des chants en anglais, interprétés par les grandes classes, et des spectacles musicaux et dansants thaïlandais traditionnels présentés par les plus petits. Une excellente expression du caractère à la fois bilingue et biculturel de cet établissement comme il en existe de plus en plus dans le pays et qui, à mon sens, constitue le choix idéal pour les familles mixtes comme la notre qui ont fait le choix de vivre en Thaïlande.
Mais je reviendrai prochainement dans un autre billet sur l’éducation des enfants métis et sur nos propres choix. Pour l’instant, nous en sommes à la fête des mères et après les spectacles collectifs, place aux prestations individuelles, préparées ou improvisées …
En effet, l’école de nos filles a pour habitude de désigner une “maman de l’année” (et aussi – rappelez-vous – un “papa de l’année” à l’occasion de la fête des pères !!), avec pour particularité cette année que je connais la nominée personnellement et depuis de nombreuses années.
Vous l’aurez deviné, il s’agit de Pong a qui on avait demandé, ainsi qu’à nos filles, de préparer un discours non pas en Thaï, mais en anglais (le discours en Thaï a été prononcé par une autre maman). J’ai donc eu droit toute la semaine à des séances d’entraînement à la prononciation, à des recherches de vocabulaire, à des consultations du dictionnaire thaï/anglais – avec quelques incursions parasites d’un certain Google Translator dont les résultats me rassurent quotidiennement quant à l’avenir de ma profession – à des corrections syntaxiques et stylistiques pour finalement aboutir à un texte très élaboré de trois pages qui ne sera jamais lu en public, la feuille ayant été oubliée sur la table de la cuisine entre un bol de Korn Flakes et une tasse de thé…
La principale intéressée s’est donc lancée dans une brillante improvisation, après la lecture par nos filles (qui n’avaient pas oublié leur papier, elles !) de leurs compositions personnelles à la gloire des mamans.
Vous aurez noté (enfin ceux qui suivent !) que la fête des mères coïncide avec l’anniversaire de Sa Majesté la Reine. Je me suis donc posé la question de l’ancienneté de cette tradition et du choix de cette date. J’ai ainsi découvert que la fête des mères, après avoir été instaurée une première fois le 10 mars 1943 pour ensuite être abandonnée après la fin de la deuxième guerre mondiale, avait été fixée le 15 avril en 1950. Mais là aussi, la tradition a été abandonnée pour des raisons de j’ignore et l’actuelle date du 12 août, à savoir le jour de l’anniversaire de la reine, a été déclarée jour férié pour la première fois en 1976 pour devenir l’évènement majeur que l’on connaît aujourd’hui dans les années 80, à l’initiative du premier ministre de l’époque, Prem Tinsulanonda, très proche des valeurs monarchiques.
31 Juillet – Le jour du thaï
Ou plus exactement : le jour de la langue thaïlandaise.
Cette journée consacrée à une langue dont les subtilités nous semblent souvent, à nous occidentaux, aussi inaccessibles et impénétrables que l’environnement culturel dans lequel elle est employée, je veux parler de la société thaïlandaise, a été instaurée en 1999 pour marquer les 6 cycles de 12 ans de sa Majesté le Roi Rama IX. Elle a été fixée le 29 juillet (je n’ai pas réussi à connaître la raison du choix de cette date, mais je n’ai pas fouillé sur Google !!) et donne chaque année lieu à diverses activité, notamment dans les écoles.
Pour ce qui nous concerne, l’école des filles avait également choisi le même jour pour honorer la mémoire de l’un des plus grands poètes et écrivains Thaïlandais : Sunthorn Phu. Il existe en réalité une journée qui lui est consacrée : le 26 juin, date de son anniversaire (là, j’avoue, j’ai demandé à Wikipedia), mais les professeurs de thaïlandais avaient décidé de consacrer cette journée de la langue thaïlandaise à l’étude de quelques-uns de ses textes, dont certains font partie intégrante du programme scolaire, un peu comme nos Molière, Corneille et autre Stendhal !! (vous vous souvenez, les histoires des Fourberies du Cid en rouge et en noir)
Daroonpat étant une école bilingue, nous avons eu droit à une version traduite de deux d’entre eux qui traitent des règles de conduite que se doivent de respecter un homme civilisé et une épouse dévouée. En voici quelques extraits ; je rappelle que ces textes ont été écrits il y a environ 200 ans !!
Règles pour être une bonne épouse
Si votre mari vous aime, ne lui résistez pas ; rendez-lui hommage chaque jour, ne soyez pas têtue. Quand la nuit tombe, vous ne devez pas vous éloigner, mais allumer la lampe et aller dans la chambre à coucher pour faire et nettoyer le lit, balayer la poussière. Chaque nuit, quand il se retirera dans son lit, accroupissez-vous à ses pieds et rendez-lui hommage. Si son corps est encore raide et douloureux de sa longue journée de labeur, détendez-le avec un massage apaisant. Lorsque vous allez dormir à votre tour, soyez décente et veillez à ce que vos mains et vos pieds ne viennent pas errer sur lui pendant que vous dormez. Votre bonté doit continuer de briller pendant votre sommeil.
[…]
Ne restez pas couchée une fois que le soleil a réapparu dans le ciel. Vous devez vous lever avant votre mari et préparer de l’eau pour lui laver le visage. Faites ensuite la cuisine et préparez le plateau de son repas en lui donnant le plus bel aspect. Apportez-le lui avec son crachoir, poli et brillant, et assurez-vous que l’eau que vous lui servez ne contienne pas la moindre poussière.
[…]
Soyez agréable avec votre mari, il vous aimera tendrement. Ne manquez jamais de faire les tâches ménagères. Et s’il devait tomber malade, ne le dérangez pas mais gardez le sourire, consolez-le, soyez agréable comme avant ; ne lui parlez que lorsqu’il sera de nouveau guéri et veillez à vous plier à ses besoins et à son humeur. Quoi qu’il n’aime pas, vous ne devez pas le faire. Gardez vis conseils pour vous, n’extériorisez pas vos sentiments.
etc.
À titre comparatif, voici un extrait d’un manuel scolaire d’économie domestique qui était utilisé dans certaines écoles catholiques en… 1960 en France !! (cliquez pour agrandir – certains l’ont peut-être déjà reçu par courriel).
3 Juillet – Élections en Thaïlande
Voila plusieurs semaines que la campagne électorale a été lancée et que des affiches ont commencé à garnir les murs. Chaque liste compte 6 membres qui déploient des trésors d’imagination pour séduire leurs électeurs potentiels. Entre ceux qui proposent une journée “free style” au cours de laquelle l’uniforme sera facultatif, ceux qui souhaitent plus de diversité dans les repas de la cantine ou d’autres encore qui voudraient des sacs à roulettes pour tout le monde, qui saura réunir la majorité des votes parmi les 250 électeurs de 6 à 18 ans ?
Réponse en fin de semaine prochaine !!
Vous l’aurez compris, il s’agit ici des élections du comité des élèves de l’école des filles qui se déroulent en parallèle avec les “vraies” élections pour lesquelles plus de 40 millions de Thaïlandais sont appelés aujourd’hui aux urnes.
Un scrutin sous très haute surveillance en raison du contexte particulier et des vives tensions qui existent au sein d’une population encore peu habituée aux règles du jeu démocratique et du débat contradictoire (il n’y a pas eu de rencontre télévisée entre les deux principaux candidats).
Il s’agit aujourd’hui d’élections dites générales au cours desquelles la population élit ses représentants au parlement. Le parlement se compose de 500 membres : 375 issus des 375 circonscriptions et 125 appartenant au parti majoritaire. Le parlement devra ensuite élire un premier ministre qui aura la charge de former un gouvernement.
Le vote est obligatoire en Thaïlande : celui ou celle qui ne vote pas ne peut pas se présenter à un emploi dans la fonction publique et ne peut pas être élu, pas même maire d’un village. Il n’y a pas de carte d’électeur : les gens votent au bureau rattaché à leur domicile officiel sur présentation de leur carte nationale d’identité et après vérification de l’inscription de leur nom sur la liste électorale. Il s’agit d’un vote à bulletin secret où les électeurs cochent la case correspondant à leur choix sur un bulletin qu’ils déposent ensuite dans l’urne.
Le scrutin se déroule en un seul tour au cours duquel les électeurs doivent exprimer deux votes : un premier pour élire leur député (les 375 sièges associés aux 375 circonscriptions et qui représentent environ 170 000 personnes chacun) et un deuxième pour élire leur parti préférentiel (les 125 sièges restants). En pratique, il n’est donc pas impossible que quelqu’un vote pour un député d’un parti donné du fait de ses réalisations passées dans la circonscription concernée et choisisse ensuite un autre parti politique qu’il souhaite voir majoritaire au parlement.
Nous sommes, ou plus exactement Pong est allée voter à Ban Luang, là où nous avons notre maison, l’occasion aussi de voir quelques amis. L’ambiance était sérieuse mais restait détendue dans ce milieu rural où tout le monde se connaît et où certains taquinaient leurs voisins en lui demandant, en levant l’index, s’il/elle avait bien voté. Le tableau ci-dessous se trouve à l’entrée du bureau de vote et affiche les candidats de la circonscription ainsi que la liste des électeurs.
Le bureau de vote est tenu par les élus locaux, avec la présence du policier du village et de quelques observateurs extérieurs. Chaque électeur présente sa carte d’identité, on vérifie si son nom est bien inscrit sur la liste qu’il/elle émarge alors, avant de recevoir les deux bulletins de vote prépliés qu’il/elle emporte ensuite dans l’isoloir pour cocher sur chacun la case correspondant à son choix. Le bulletin est ensuite replié à l’original puis déposé dans une urne scellée. Le décompte a lieu à partir de 15H00, heure de la fermeture officielle des bureaux.
Je crois qu’il y a plus de 40 partis qui se présentent à ces élections, dont deux qui occupent nettement le devant de la scène : les démocrates représentés par l’actuel premier ministre, à tendance plutôt conservatrice et très proches de l’aristocratie traditionnelle et de la bureaucratie, et le Pue Thai représenté par une femme qui n’est autre que la sœur de l’ancien premier ministre Thaksin Shinawat (que j’avais présenté succinctement dans le contexte des violences d’il y a deux ans), à tendance nettement réformatrice (un peu trop aux yeux de certains !!). Les autres partis en liste ne représentent qu’un faible pourcentage des voies, mais peuvent chercher des alliances juteuses avec l’un des deux gros qui n’obtiendrait pas la majorité des sièges, ce qui s’est notamment passé avec le gouvernement démocrate actuel.
Ces petits partis rivalisent eux aussi d’imagination pour attirer les électeurs indécis, l’un d’eux propose 100 000 Bahts de remise à quiconque achète une voiture neuve, l’autre annonce clairement que quel que soit le résultat il veut rester dans l’opposition. Un groupe appelle également au vote nul, considérant que toute la classe politique est corrompue (il n’a pas tout à fait tort, mais le vote nul est compté comme… nul !).
Parmi les deux gros, l’un a articulé l’essentiel de sa campagne autour d’un argument imparable : “votez pour nous parce que les autres sont méchants”. L’autre, bien qu’inexpérimentée en politique (ce qui n’est peut-être pas une mauvaise chose !!) a présenté un programme avec des objectifs concrets qui, si elle suit la ligne de son frère, devraient tous être réalisés.
Attendons maintenant les résultats officiels…
28 Janvier – Réflexions du matin…
… et puis du soir, et de l’après-midi aussi, en résumé réflexions récurrentes, omniprésentes, obnubilantes, parfois obsessionnelles.
La dernière semaine de janvier vient de s’achever : nous allons maintenant entamer le dernier mois de l’année scolaire, lequel sera suivi d’une petite semaine d’examens début mars avant les 2 mois de “grandes vacances”. Maeva aura ainsi achevé l’équivalent du CM2 français et Naomi le CE2.
Mais comme le système scolaire thaïlandais compte 6 années de primaire (au lieu de 5 en France) et aussi 6 années de secondaire (au lieu de 7 en France), il reste donc 1 année de primaire pour Maeva avant ???? et c’est là l’objet de mes/nos réflexions.
Si l’école qu’elles fréquentent actuellement semble d’un excellent niveau (elle figure parmi les 10 premiers établissements du pays aux derniers tests nationaux, à côté des écoles les plus prestigieuses comme Assumption College ou St Joseph Convent), nous ne savons pas aujourd’hui s’il sera possible d’y poursuivre le cycle secondaire. Il semble en effet que ce dernier soit plus ou moins laissé à l’abandon et que la direction favorise le développement du cycle primaire qui représente aujourd’hui déjà 80% des effectifs.
Soucieux d’offrir à notre progéniture la meilleure éducation possible (ce qui ne veut pas forcément dire la plus chère, voir plus bas*), nous sommes actuellement à la recherche d’une solution de substitution, ce que d’autres appelleraient un “Plan B”, dans l’hypothèse où l’année scolaire qui débutera en Mai prochain soit la dernière que puisse accomplir Maeva à l’école Daroonpat.
L’école est une chose, l’environnement de vie en est une autre et celui-ci me semble tout aussi important dans le développement d’un enfant/adolescent (ou là !! c’est vrai que le temps passe et qu’il va bientôt falloir faire face aux crises d’acné !!) que le milieu scolaire proprement dit.
Bangkok est une ville gigantesque qui présente de très nombreuses possibilités d’activités et où l’éventail de choix des établissements scolaires est le plus large. Mais du fait de sa taille, Bangkok souffre aussi d’un mal chronique appelé “embouteillages”, un facteur qu’il faut impérativement intégrer dans tout projet de sortie et aussi, plus important, dans toute recherche d’établissement scolaire si on veut éviter d’imposer plusieurs heures de transport quotidien à des élèves/lycéens dont l’énergie devrait être consacrée essentiellement à l’épanouissement de leurs esprits et de leur personnalité dans un environnement propice plutôt qu’au développement de leurs mollets en courant après un bus !!
Nos réflexions nous ont donc conduit jusqu’à Chiang Mai, la grande ville du nord que nous apprécions tant et qui semble présenter tous les avantages de Bangkok en matière d’infrastructures et de ressources, mais en offrant une meilleure qualité de vie du fait de sa dimension plus humaine et de la proximité de la nature. Il s’agit à présent de trouver un établissement scolaire de qualité, idéalement bilingue (thaï/anglais), sans classes surchargées (il n’est pas rare de trouver 40 ou 50 élèves par classes dans certains établissements), si possible fréquenté par d’autres Luk Krung (enfants métis), avec des enseignants professionnels dévoués à leur mission et une direction qui vise l’excellence pédagogique au moins tout autant que les performances financières de son entreprise (ben oui, n’oublions pas que l’éducation est avant tout un commerce !).
Plusieurs écoles ont retenu notre attention et l’étape suivante consistera à présent d’aller vérifier sur place si la bonne impression dégagée par un site Internet et émanant d’une certaine réputation se confirme dans la réalité. Cette étape suivante est prévue en avril prochain, puisque nous avons décidé de passer un mois à Chiang Mai pour ‘”ressentir” la ville et aussi visiter les 4 établissements retenus.
J’arrête là l’exposé de mes réflexions et, pour vous détendre un peu, vous propose de réaliser l’exercice de géométrie élémentaire qui faisait partie des devoirs de Naomi (CE2) hier soir.
* Il existe en Asie et notamment en Thaïlande une tradition très discutable selon laquelle de nombreux établissements au nom prestigieux acceptent des pots de vin pour accueillir les élèves qui n’ont pas passé les tests d’entrée. La “face” étant l’un des aspects les plus importants de la vie d’un asiatique, certains n’hésitent pas à dépenser des sommes astronomiques, parfois en s’endettant, pour payer le droit de passage de leur descendance vers l’un de ces établissements tant convoités. Le résultat est que ces écoles n’ont de prestigieux que le nom, leurs classes sont surchargées (40-50 élèves en primaire !!) et tout redoublement ou échec y est impossible puisque les parents paient pour que leurs enfants réussissent. On peut légitimement se poser de sérieuses questions quant à la validité des diplômes qui y sont délivrés et il m’arrive de demander à certains autres parents, adeptes presque malgré eux de ce système, ce qu’ils penseraient d’un chirurgien sur le point d’opérer leur enfant s’ils savaient qu’il a acheté son diplôme. Les seules réponses obtenues jusqu’à présent ont été un sourire embarrassé. Il est vrai que ma vision occidentale est diamétralement opposée aux habitudes locales : j’estime en effet que ce qui peut être acheté n’a aucune valeur puisqu’accessible à tout le monde.
5 Décembre – Bonne fête papa !
Le 5 décembre, jour de l’anniversaire de sa Majesté le Roi Bhumibol, est l’un des évènements majeurs du calendrier des fêtes thaïlandais et correspond aussi à la fête des pères. Des festivités et célébrations en tous genres ont lieu un peu partout dans le royaume et l’école des filles ne déroge pas à la règle en organisant la “journée en rose”.
En effet, le rose est devenu la couleur symbolique du monarque actuel depuis que le jaune a été récupéré à des fins politiques et il est d’usage de porter un polo ou une chemise rose au cours des cérémonies organisées en son honneur. C’est donc une assemblée tout de rose vêtue et au sein de laquelle étaient présents de nombreux papas qui s’est réunie pour assister à divers spectacles, chants et autres lectures de textes à la gloire paternelle, soigneusement préparés par les élèves de toutes les classes (bon, un peu plus par les maternelles/petites primaires que par les terminale !!).
Il est d’usage aussi de désigner le “papa de l’année” et cette année c’est tombé sur mapomme !!
J’avais été prévenu quelques jours avant et on m’avait demandé de préparer un petit discours (juste 5 minutes, ça suffira !! – bon OK, on verra…)
Pour avoir déjà assisté plusieurs fois à ce genre de cérémonie au déroulement très protocolaire, pour ne pas dire pompeux, et connaissant par expérience l’effet soporifique de la lecture inexpressive d’un texte dont la dynamique et le rythme ressemblent à la courbe encéphalographique d’une méduse, j’ai essayé de trouver un moyen de redonner vie à une assistance dont l’attention est inversement proportionnelle au temps passé depuis l’absorption du dernier café.
En résumé, je suis parti de l’hypothèse selon laquelle si quelqu’un, quelque part, avait estimé que je méritais le titre de “papa de l’année”, c’est qu’il ou elle considère que je n’étais pas vraiment comme les autres et il fallait donc que ma prestation orale soit à la hauteur de la distinction qui m’avait été attribuée. Après la désignation officielle de “l’élu” par mes filles, j’ai donc commencé par une petite improvisation (enfin j’avais un peu réfléchi avant quand même !!) sur les responsabilités du père, le fait que si on est père c’est qu’on a choisi de l’être, etc. pour ensuite, en gardant un ton très sérieux, lire le texte suivant que j’ai présenté comme la lettre adressé à un ami par sa fille de 15 ans (j’ai bien évidemment lu le texte en anglais) :
Cher papa,
Cela fait 3 mois déjà que j’ai quitté le foyer familial pour mon nouvel internat. Je suis vraiment désolé de ne pas avoir pris le temps d’écrire plus tôt, mais il s’est passé beaucoup de choses que tu vas découvrir dans cette lettre. Avant de continuer, je voudrais cependant que tu t’assoie, pour ta propre sécurité. OK ?
Là, on commençait déjà à entendre
des “chut!” dans l’assistance.
Bon, allons-y. Je vais beaucoup mieux maintenant. La fracture du crâne que j’ai subie après avoir sauté par la fenêtre de ma chambre pendant l’incendie du dortoir quelques jours après mon arrivée est quasiment guérie. Je n’ai passé que trois semaines à l’hôpital et j’ai presque retrouvé une vision normale et n’ai plus que 2 ou 3 crises de migraine chaque jour.
Heureusement, un employé de la station service près de l’école a été témoin de l’incendie et il a appelé les pompiers. Il venait ensuite régulièrement me rendre visite à l’hôpital et nous avons fini par tomber profondément amoureux l’un de l’autre. C’est un très gentil garçon et il est vraiment adorable avec ses piercings, ses cicatrices, des tatouages et sa grosse moto. Nous avons décidé de nous marier. La date précise n’est pas encore fixée, mais ce sera avant que ma grossesse deviennent trop visible.
Oui, papa, je suis enceinte !!
Je crois que c’est à ce moment
qu’il y a eu un silence presque total.
Je sais à quel point tu es impatient de devenir grand père et je suis persuadée que tu saura apporter à mon bébé autant d’amour et d’attention que tu m’as donné à moi-même quand j’étais enfant. En attendant, nous prions tous les jours pour la science trouve un remède au SIDA afin que Johnny, le père de mon bébé, puisse guérir. Mais ne t’inquiète pas papa, j’ai 15 ans maintenant et je sais prendre soin de moi.
Des yeux grands ouverts attendaient la suite,
j’entendais des “ohhh” et quelques murmures
Mon papa adoré, maintenant que je t’ai tenu au courant des derniers évènements, il faut que je dise la vérité : il n’y a pas eu d’incendie du dortoir, je n’ai pas eu de fracture du crâne, je n’ai pas été hospitalisée, je ne suis pas fiancée et, bien évidemment, je ne suis pas enceinte. Je voulais juste te faire prendre conscience du fait qu’il existe des choses plus graves dans la vie que d’avoir un 0 en anglais et un 4 en sciences. Après ça, j’espère que tu apprécieras le bulletin scolaire ci-joint à sa juste valeur.
Ta fille adorée
Bon, applaudissements, ce qui veut dire que la majorité avait compris qu’il s’agissait d’une blague, ce qui m’a été confirmé par différentes réactions dont celle du responsable des professeurs anglophones qui a trouvé épatant que quelqu’un ayant l’accent français lise un texte en anglais à un auditoire majoritairement thaï et réussisse à se faire comprendre.
Je lui ai dit que la prochaine fois j’essaierai avec l’accent alsacien !!